Alexandrine

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Je fus, et reste une grande lectrice, avant même de me consacrer à l'écriture sous des formes variées (journalisme et édition).

Dans ma maison, en Aquitaine, les livres sont partout… Ils font partie non pas des meubles mais des amis qui la peuplent.

Si j'étais un livre, je serai "Le tour du malheur" de Joseph Kessel, "Cent ans de solitude" du grand Gabriel Garcia Marquez ou encore "Water Music" de T. C. Boyle…

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29 mai 2013

Un "court roman", mais du grand Roth

Tragédie en trois actes, Le Rabaissement explore une fois de plus le thème de la décrépitude du corps, cher à Philip Roth depuis quelques années. Une fois de plus mais pas une fois de trop car le trentième roman de l'auteur de Portnoy et son complexe ou de La Tache signe ici un livre aussi limpide que son personnage est lucide.
Car Simon Axler n'est plus que l'ombre de lui-même. "Il avait perdu sa magie, l'élan n'était plus là. (…) son talent était mort" (page 11). Et cet homme qui joué les plus grands rôles du répertoire et connu la gloire, ce "prodige théâtral" n'a plus qu'une certitude : celle "d' en avoir bel et bien fini avec le métier d'acteur, les femmes, les rapports humains, fini à jamais avec le bonheur" (page 53).
C'est alors que surgit une femme et qu'avec elle revient le désir et son cortège de fantasmes. Avait-il véritablement le choix face à la détermination de celle qui décida "qu'après avoir été lesbienne pendant dix-sept ans elle voulait un homme - cet homme là, cet acteur de 25 ans son aîné et l'ami de sa famille depuis des dizaines d'années" (page 59), rien n'est moins sûr.
Car en endossant son costume tout neuf d'hétérosexuelle Pegeen Staplelord offre à Simon le plus beau rôle de sa vie, celui d'un pygmalion comblé. Avec elle renaît le sentiment amoureux, le plaisir charnel et le spectre hideux de la jalousie. "Un homme rencontre bien des pièges sur son chemin, et Pegeen était pour lui le dernier". Cet éternel et ô combien inégal entre Eros et Thanatos est certes perdu d'avance mais Simon Axler le livre avec panache et Philip Roth signe là une magnifique et désolante variation sur le thème.

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24 avril 2013

Edgar Mendieta, Don Quichotte des temps modernes

"Un homme seul est forcément une victime. De qui ? Des mouches, des tempêtes, des absents" (p. 158) ou des cauchemars tout droits sortis des recoins sombres de l'enfance.

Edgar Mendieta, Zurdo pour les intimes, est un homme seul. Seul face à lui-même et à ses blessures intimes, seul face aux narcos qui veulent lui faire la peau, seul face à une administration corrompue. Don Quichotte des temps modernes, il se bat contre les moulins à vents qui polluent le paysage mexicain. "Un bon flic est un flic mort. Si la police mexicaine était intègre , je n'y aurais pas ma place" (p. 256). Mendieta fait exception à la règle. Il est intègre, vivant et bien décidé à aller au bout de l'affaire Canizales, en dépit des tentatives d'intimidation et des pressions politiques qui pèsent sur lui.

Le premier roman, traduit en Français, de l'auteur mexicain Elmer Mendoza séduit par son foisonnement. On se croirait dans un tableau de Diego Rivera ou de Frida Kahlo. Les femmes sont belles, dangereuses, exaltées. On y croise un danseur gay, des lesbiennes déjantées, une ex au capiteux parfum…

Pour se diriger dans cette jungle urbaine qu'est Culiacán, capitale de l'Etat de Sinaloa, au nord-ouest du pays, un peu d'aide aurait néanmoins été bienvenue. Mais l'auteur semble s'ingénier à perdre son lecteur. Son parti-pris — pas de retour à la ligne, pas de tiret … — en désarçonnera sans doute plus d'un et l'on peine parfois à savoir qui dit quoi.

Reste un personnage de flic attachant, vulnérable et dépendant de son psy, dont on espère qu'il sortira vainqueur de cet inégal combat contre les mouches, les tempêtes et les absents.

23,00
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5 avril 2013

Une balade à Washington

Une balade dans la nuit est le 18ème opus de l'écrivain américain d'origine grecque Georges Pelecanos. Il contient les principaux ingrédients qui ont fait son succès des deux côtés de l'Atlantique : une écriture très (trop ?) descriptive, un sens exacerbé du détail et cette façon particulière, quasi cinématographique, de camper les décors et les personnages. Spero Lucas, ancien Marine rentré relativement sain et en tout cas sauf du bourbier irakiens est le dernier d'entre eux et le premier d'une nouvelle série à laquelle certains prédisent déjà un bel avenir.


Le personnage est certes attachant mais on sent l'auteur plus attaché à sa ville natale - Washington - qu'à ses personnages fictifs et l'intrigue s'essouffle assez rapidement.
Les inconditionnels de Pelecanos y trouveront sans doute leur compte, les autres resteront vraisemblablement sur leur faim car il ne suffit pas d'avoir tous les ingrédients sous la main pour faire une bonne moussaka…

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25 mars 2013

F HHhH

Le dernier opus de Laurent Binet aurait pu s'appeler F HHhH. Au lieu de quoi l'auteur et ou l'éditeur a choisi de l'intituler : Rien ne se passe comme prévu.
Le lecteur, par le titre alléché, s'attend alors à quelques anecdotes croustillantes, révélations fracassantes, renoncements imprévus… Las, rien que de très (trop) prévisible pourtant : des meetings (mythiques), des sondages (encourageants), des face-à-face (musclés) des discours (historiques), des cris (hystériques).
En dépit de quelques situations bien croquées, de quelques scènes désopilantes (le malheureux Binet oublié par le candidat Hollande sur la dalle de la Porte de Versailles méditant sur sa condition de "Yasmina Reza du pauvre"), l'ensemble sonne creux. Mais peut-être est l'écho normal d'une campagne présidentielle. Pleine de bruit et de fureur, de préoccupations finalement assez stériles "Elle est comment ma cravate ?", de ralliements, de reniements, de bruissements (les tweets...). La marge de manoeuvre de l'auteur — observant "fasciné l'altération progressive de (sa) propre subjectivité" — était sans doute réduite. Quelques belles envolées — "2 mai. C'est le grand soir, c'est l'anaphore finale, groupons nous et demain"(p. 283) — puis le clap de fin, les projecteurs s'éteignent. La campagne est terminée.
François Hollande est le nouveau président de la République. "Je sais pas ce qu'on va faire de toutes ces fiches"(p. 291).

Vies de courage

Collectif

Xxi

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18 mars 2013

Eloge du courage ordinaire

Ne pas se fier à la date de parution. La revue XXI n'est pas sujette à péremption. Et la livraison de l'hiver 2013 réchauffera à tout moment le lecteur transi et saisi d'effroi devant les horreurs du moment : guerre en Syrie, viols en série, cynisme des dirigeants européens et j'en passe…
Car la livraison 21 de la revue éponyme — qui vient de fêter ses cinq ans — met en avant des "vies de courage". Un courage presque ordinaire, normal, comme il est désormais un Président normal.

Ce courage est celui de Dewey Bozella condamné deux fois à perpétuité pour un meurtre qu'il n'a pas commis. Cet homme a trouvé la force de ne jamais baisser la garde et de passer pas moins de 52 diplômes en prison. Rendu à la vie civile, il se bat à présent pour vivre en homme libre.

"L'épreuve du courage n'est pas de mourir mais de vivre" clamait le poète Vittorio Alfieri (De la Tyrannie, 1777). Et quelle épreuve que celle qui attend chaque jour Israël Ticas, unique criminaliste du Salvador qui cherche inlassablement les corps des disparus pour les rendre à leurs proches. Israël Ticas, Sysyphe des temps modernes qui demande à ses "petits morts" de patienter et leur parle avec une infinie tendresse.

Courage "ordinaire" enfin de ce "touriste-témoin" qui a détourné le fusil d'un déséquilibré qui visait le Président de la république.. L'histoire a retenu le nom du tireur — Maxime Brunerie — mais pas de l'homme qui, un 14 juillet 2002, sauva la vie du Président Chirac. Mohamed Chelali, "Mo" est "L'homme qui sauva le président". Pour un peu, il s'en excuserait presque.

Et puis comment ne pas saluer le courage des "Indigenas" de la communauté de Sarayaku, qui luttent pacifiquement pour préserver leur environnement et leur culture. Pour mettre à distance le monde moderne et ses appétits matérialistes, ils ont commencé à ériger une "frontière de vie" : une ceinture d'arbres au feuillage coloré qui formeront un jour une "ligne symbolique seulement visible du ciel". Eux aussi font preuve de ce "courage du quotidien, celui du jour, le jour, qui s'accomplit mais ne se clame pas" (page 31). Celui de ceux qui cherchent simplement à être en accord avec eux-mêmes.