Alexandrine

http://www.sgdl-auteurs.org/alexandrine-civard-racinais

Je fus, et reste une grande lectrice, avant même de me consacrer à l'écriture sous des formes variées (journalisme et édition).

Dans ma maison, en Aquitaine, les livres sont partout… Ils font partie non pas des meubles mais des amis qui la peuplent.

Si j'étais un livre, je serai "Le tour du malheur" de Joseph Kessel, "Cent ans de solitude" du grand Gabriel Garcia Marquez ou encore "Water Music" de T. C. Boyle…

La rencontre est-elle le fruit du hasard ?

Collectif

Éditions du Portrait

18,00
Conseillé par
19 juillet 2014

Un nouveau venu dans le monde des mooks

Nouveau mook — ou mag book — dans la mare, Portrait ne renouvelle pas véritablement le genre mais recèle quelques jolies trouvailles. Autant le "portrait chinois" ou l'interview constituent des figures classiques de l'écriture journalistique, autant le "portrait musical" d'une personnalité — ici le juge d'instruction Marc Trévidic — se révèle une vraie bonne idée.
Autre pépite, le texte inédit de la romancière voyageuse Karla Suarez qui dessine en creux, sur les feuillets de son "carnet de bord", un portrait de l'archipel des Keys.
Dernier reportage de Patrick Zachman, Mare Mater est pour sa part construit à partir des des portraits des jeunes qui partent et des mères qui restent. L'occasion pour le photographe de revisiter sa propre histoire familiale.
Plus que de portraits à proprement parler, il est surtout question de rencontres. Car pour Rachèle Bevilacqua : "l'exercice du portrait est, avant tout, une histoire de rencontres. Rencontre entre le "portraitisé" et celui avec lequel il s'entretient, et plus tard, avec le lecteur ou le spectateur. La rencontre", nous prévient la directrice de la rédaction de Portrait "n'est jamais confortable". Elle "déclenche l'amour, l'amitié mais aussi la colère et la haine." Elle laisse en tout cas rarement indifférent, tout comme ce nouveau magazine — de belle facture, sobre et élégant à la fois — qui se cherche encore mais ne devrait pas tarder à trouver ses lecteurs.

Conseillé par
16 juillet 2014

Trois vies de faussaires

Dans son dernier ouvrage - remarquablement traduit par François Maspero - Eduardo Mendoza brosse le portrait de trois anti-héros en quête de rédemption.

Surnommé "Monseigneur baleine", Fulgencio Putucas n'est pas celui que l'on croit. Débarrassé de ses oripeaux, l'évèque se révèle être "un homme négligent, stupide et ivrogne" (p. 84). Il n'en est pas moins lucide, comparant son sort à celui d'une baleine exhibée sur les Ramblas de Barcelone : "Fulgencio, tu as là une compagne de misère : hors de son élément, exposée aux affronts du public pour quelques pièces de monnaie" (p.95). Dans une ultime note l'évèque de Quahuicha rapporte : "Moby Dick, la baleine géante, est venue à Barcelone pour la confusion des méchants et l'édification des bons, et hier elle est partie au Diable et moi avec..."

- A la recherche du sens de son existence, Dubslav part lui-aussi au Diable, après avoir été un temps suspendu entre la vie et la mort. "Je suis un homme absurde. J'ai été conçu de façon absurde et toute ma vie a été consacrée à développer et à perfectionner cette absurdité" (p.161). La "fin de Dubslav" - titre de ce second récit - sera à l'image de son existence.

- La seconde partie de la vie d'Antolin Cabrales Pellejero aurait pu être plus heureuse que la première. Mais cet ancien délinquant devenu auteur à succès après avoir suivi en prison un cours de création et d'analyse littéraire a le sentiment d'être un imposteur : "Je suis toujours le même couillon qu'avant et (...) mon succès est dû à un malentendu. Les lecteurs croient lire des histoires mouvementées, chargées de signification et ils ne lisent que des artifices" (p.201).

En proie au démon du doute, ces trois hommes "s'ils ne sont pas des saints, n'en sont pas pour autant foncièrement mauvais" relativise Edouardo Mendoza dans son prologue. Au final, ces "faux saints ne sont pas tellement différents des vrais" (p. 10). Ils se révèlent surtout terriblement humains et par là même bien plus attachants. Ces " Trois vies de saints" n'en sont pas mais le lecteur n'y perdra pas au change.

16,50
Conseillé par
19 mai 2014

L'ambition incarnée

Contrairement à ce que croient son ex et ses géniteurs, José — représentant lambda de la génération Y, diplômé d'une formation en techniques de communication, option création d'entreprise — est loin de manquer d'ambition. Son père le verrait bien « ingénieur, ingénieur commercial, commercial tout court » (p.74), mais José « ne veut pas être un rouage » (p. 74). Il a d'autres visées, bien plus ébouriffantes. Lui, José, se rêve en Mark Zuckerberg de la fève d’Épiphanie. Attention ! On parle ici de la "fève de haut niveau"(p. 32), celle qui peut atteindre des niveaux stratosphériques lors d'une vente aux enchères sur eBay. En attendant de toucher le jackpot, José vivote.

Accroché à « un radeau mal ficelé (flottant) sur l'océan de la débrouille » (p. 47), il vit d'expédients et de petits boulots. Alors quand la chance se présente, sous la forme de cours à domicile donné à la place de son brillant coloc, José n'hésite pas un instant. Sa chance, il la saisit au vol ! D’une incompétence crasse, il a néanmoins l'art de rassurer les parents sur l'avenir de leur progéniture en leur racontant ce qu'ils ont envie d'entendre. « Tu sais parler aux parents. Et à ton menton, on voit que tu as de l’ambition, comme moi, et ça j’apprécie » (p. 115), lui accordera d’ailleurs son premier élève avant de le racketter. Toute honte bue, José fait déjà des plans sur la comète. Car il semble bien, cette fois, que la chance soit de son côté.
Les élèves se multiplient comme autant de petits pains et son parrain, « procrastinateur littéraire » (p. 145) s’intéresse soudain à lui. Tout d’un coup, le chemin s’ouvre devant ses pas. « Je suis José, dit José pensivement, mais en même temps… Ce matin, je ne suis pas loin de penser que je suis en quelque sorte l’ambition elle-même (p. 188). Un écrivain, bloqué depuis deux ans — il le claironne à chaque Pâques : « procrastination », « procrastination » ! — se serait mis à écrire en me croisant à un anniversaire. C’est fou quand on y songe. Il y a un prodige derrière tout cela. Je suis un catalyseur qui déclenche l’ambition. Il disait ça en plaisantant. Encore que, pas tout à fait » (p. 188).
Pendant ce temps, à des milliers d’années de là, Chmp — un homme du néolithique prompt à sortir son sgug (sic) pour honorer toute jolie fille passant à sa portée — rêve d’être le premier à retrouver la Pierre percée originelle. Mais les femmes de sa tribu ne l’entendent pas de cette oreille…
Habilement troussé, intelligent sans oublier d’être drôle, ce roman jubilatoire — à côté duquel j'étais passé lors de la précédente rentrée littéraire, remettant sa lecture à plus tard — est mon premier coup de cœur de l’année. Comme quoi la procrastination à parfois du bon.

L'argent fou, l'argent créateur

Collectif

Xxi

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5 mai 2014

Une livraison haute en couleur

Sans doute désireuse de nous aider à sortir de notre hibernation prolongée, la rédaction de Vingt et un nous en fait voir de toutes les couleurs :
• Blanc comme le cheval de Ben Laden - "le terroriste qui aimait les chevaux" raconté par son ami Issam - ou le Salar d'Uyuni, ce gigantesque lac de sel grand comme deux départements français qui miroite sous l'implacable soleil bolivien et la convoitise des hommes. Dans ce récit graphique qui commence comme un banal voyage touristique, Didier Tronchet nous surprend une fois de plus en convoquant "le côté obscur du lac" et la figure du malin. À partir de là, le lecteur commence à voir rouge :
• Rouge coquelicot comme ce basin qui sèche au vent dans une rue de Bamako et fait la fierté de Sanata et de ses deux co-épouses, trois teinturières de talent si pressées de vaquer à leur petit commerce qu'elles n'ont "pas le temps de faire des scènes de jalousie pour le mari". Depuis que Sanata a découvert l'existence des coquelicots grâce à Danièle Rousselier — ancienne attachée culturelle au Mali, auteure de "Sans les hommes" — elle ne propose plus à ses clientes de tissu "rouge sang, on dit rouge coquelicot".
• Rouge comme le plaisir qui colore les joues des enfants de coeur et de leurs parrains et marraines d'adoption dont la photographe Stéphanie Lacombe a su saisir la complicité.
(…) Une livraison haute en couleurs, véritable antidote à la grisaille hivernale.

Conseillé par
29 avril 2014

Seul au monde - mardi 29 avril 2014

"C'était cela la famille : une somme de solitudes uniquement liées par des obligations de bouche", tel est le désolant constat sur lequel se clôt l'ultime dîner "organisé au prétexte d'adieux qui, dans le fond, n'émouvaient personne" (page 41) d'un écrivain sur le départ. À cours d'inspiration depuis trois ans, le narrateur — dont nous ne saurons jamais le prénom — s'apprête à quitter Paris pour les beaux yeux d'une ancienne conquête coloniale. "Où ça ?" "En Inde, Pondichéry." "C'est pour écrire ?" "Non (…) c'est pour mieux m'arrêter d'écrire, justement" (page 79).
De fait, son prochain roman semble prendre un malin plaisir à rester à l'état d'ébauche, comme chacune de ses tentatives d'entrer en contact avec des représentantes de la gent féminine. Et le sort s'acharne car son ancienne femme se rappelle opportunément à son bon souvenir…
Comme le dit si bien son frère Sylvain — un gars pataud mais pas méchant — "fini la vie de pacha" (page 149). La coupe est pleine, la ligne de courtoisie franchie, on va voir, ce qu'on va voir ! Une tranche de vie racontée avec un humour grinçant qui oscille en permanence entre rires et larmes. Cruellement drôle.