Alexandrine

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Je fus, et reste une grande lectrice, avant même de me consacrer à l'écriture sous des formes variées (journalisme et édition).

Dans ma maison, en Aquitaine, les livres sont partout… Ils font partie non pas des meubles mais des amis qui la peuplent.

Si j'étais un livre, je serai "Le tour du malheur" de Joseph Kessel, "Cent ans de solitude" du grand Gabriel Garcia Marquez ou encore "Water Music" de T. C. Boyle…

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25 mars 2014

Poudre aux yeux

Ne pas se fier au titre… De sexe il n'est pas question ou alors en creux, pour évoquer la difficulté de concilier foutre et poudre, amants de passage et maîtresse attitrée. La maîtresse, au sens ou les adeptes du bondage et autres pratiques masochistes emploient ce mot, a de sérieux atouts mais pas de contours. Elle est blanche, envahissante, avilissante. Elle est tout pour Perrin. "L'héroïne met un nom sur les choses de sa vie: intoxication, trafic, compulsion. Dépendance et indépendance. Elle n'apporte rien à Perrin de ce qu'il en espère que d'éphémère, et durablement ça qu'il n'attendait pas" (p.9). Tout le propos du livre tient dans cette phrase introductive, le reste traîne parfois en longueur.
Bourgeois bohème, universitaire peu impliqué, amant peu empressé, Perrin — double littéraire de Mathieu Lindon, chroniqueur à Libération — est un personnage assez insipide. Seule son héroïne le fait vibrer : "ça change la vie, l'héroïne, c'est bien pour ça qu'ils en prennent" (p. 13). En tout cas, c'est ce que Perrin croit… Disons le tout net, la description de ses rapports conflictuels avec l'héroïne sur l'air de "Je t'aime, moi non plus", ne fait pas rêver… Pas plus que l'angoisse perpétuel du manque et la dépendance de Perrin vis à vis de ses fournisseurs, une angoisse qui l'empêchera de profiter de la venue à Paris de "l'amour de sa vie" ou prétendu tel car son héroïne tient en réalité le premier rôle et occupe la première place. "Le garçon, il l'a dans la peau mais l'héroïne il l'a dans le sang" (p. 102). Sa vie professionnelle, sociale, intime, voire intestinale ou génitale — constipation chronique, fréquentation assidue des chiottes, impuissance — s'articule autour d'elle. L'héroïne jette une lumière crue "pornographique" sur son existence, révèle la vacuité de son existence.
A conseiller à ceux qui en pinceraient pour la poudre s'en être encore totalement tombés dedans. Les autres pourront se dispenser de cette prise.

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19 février 2014

L'enfer un peu plus loin

Dans "Le Paradis un peu plus loin" (2003), le grand conteur péruvien Mario Vargas Llosa narrait les derniers jours de la féministe Flora Tristan. Ici, ce n’est pas de paradis dont il est question mais d’enfer, celui que décrivait Joseph Conrad dans Au cœur des ténèbres, cet enfer que Roger Casement découvrira au Congo belge, propriété du roi Léopold II. « Lui aussi, le Congo l’avait humanisé, si être humain voulait dire connaître les extrêmes auxquels peuvent atteindre la cupidité, l’avarice, les préjugés, la cruauté. Le Congo (…) lui avait ouvert les yeux. L’avait « dépucelé » lui aussi comme le Polonais. » (page 91) Dès lors la dénonciation des crimes coloniaux et de l’abjecte exploitation de l’homme par l’homme sera au centre de sa vie et de son combat politique.

Auteur d’un rapport accablant sur les crimes des planteurs d’hévéa au Congo, il récidivera en Amazonie avec son Livre bleu sur le Putumayo qui fera grand bruit.
Le Congo lui aura non seulement ouvert les yeux sur la condition humaine mais aussi forgé une conviction politique. Car Roger Casement commença à se sentir Irlandais « c’est-à-dire le citoyen d’un pays occupé et exploité par un Empire qui avait vidé l’Irlande de son sang et de son âme » (page 140), au cours des vingt années qu’il passa en Afrique, notamment comme consul de Grande-Bretagne. Anobli par la Reine pour bons et loyaux services rendus à la Couronne, le Celte nourrissait en secret un rêve : celui d’une Irlande libre. « Pourquoi ce qui était mauvais pour le Congo serait-il bon pour l’Irlande ? » (page 129) Les huit années passées en Amérique du Sud, notamment dans les forêts amazoniennes, ne feront que renforcer sa conviction : « « l’Irlande, comme les Indiens du Putamayo, si elle voulait être libre devait se battre pour y parvenir. » (page 272)
Long poème épique consacré au passé mythique de son île, publié en septembre 1906, Le rêve du Celte est aussi celui d’un homme ordinaire devenu une figure historique du combat pour l’indépendance de l’Irlande. Un héros romantique, tourmenté et complexe, en proie à de nombreuses misères physiques et à ses doutes intérieurs. Tout le talent de Mario Vargas Llosa réside dans cette véritable mise en abyme, dans cette capacité à nous faire entrer dans l’intimité de cet homme attachant qui connaîtra un destin tragique : « un être humain, fait de contradictions et de contrastes, de faiblesses et de grandeurs, car un homme, comme l’a écrit José Enrique Rodó « est beaucoup d’hommes », ce qui veut dire qu’anges et démons se mêlent dans sa personnalité, inextricablement. » (page 523) De ce point de vue, Le rêve du Celte — sans être le plus flamboyant et le plus truculent ouvrage du prix Nobel de littérature — est une véritable réussite.

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12 février 2014

Mots pour maux

« Les mots qui vont surgir savent de nous ce que nous ignorons d’eux ».

Cette citation de René Char résonne comme un mantra tout au long de la lecture du dernier roman de Chahdortt Djavann qui nous transporte de Téhéran à Paris en passant par Istanbul.
Il y a ces mots longtemps refoulés que la narratrice déverse sans pudeur dans l’oreille de son psychanalyste parisien : sa naissance non désirée, la coupable indifférence de son père, son viol collectif par des agents de la morale islamique, ce sentiment d’illégitimité si solidement ancré en elle.

Et ces mots criés, vociférés, jetés à tous les vents… en farsi, en turc et finalement en français. Ces mots qui disent la soif de liberté, le courage de relever tous les défis, l’appétit d’apprendre et de se reconstruire. « Fuir la réalité, inventer mille et une autres histoires pour ensevelir la mienne : l’imagination était mon salut, mon exutoire » (page 489). La France sera sa nouvelle page blanche et le français son refuge. « (…) Chaque mot que j’ai arraché au dictionnaire m’a arrachée à son tour aux blessures que j’avais vécues en persan. (…) J’aime cette langue comme on peut aimer quelqu’un… Elle est la plus belle rencontre de ma vie » (p. 198).
"La dernière séance" est une ode vibrante à la langue française qui a libéré Donya/Chahdortt de son joug. « Un être humain libre ne peut exister dans cette langue. De même que tout esprit libre est mis à mort en Iran » (p. 190). Tel est le destin tragique qui attend cette héroïne moderne dont la pensée libre et mélancolique continuera cependant longtemps à hanter le lecteur.

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29 novembre 2013

La grâce d'un roman

Avant d’être l’auteur reconnu de La Vilaine Sœur, Maria Cristina Väätonen fut celle par qui advint la disgrâce de sa sœur Meena, sa commotion cérébrale et son impossibilité à dépasser l’âge mental d’une ado : une vilaine sœur, doublée d’une vilaine fille qui ne trouvera son salut que dans la fuite. Fuyant la maison mortifère de Lapérouse — baptisée par les moqueurs la maison des sœurs Rose-Cul en raison de sa couleur — Maria Cristina Väätonen se réfugie en Californie, attirée tel un papillon par les lumières de Santa Monica.

« Maria Cristina Väätonen aurait probablement aimé être une femme scandaleuse » (page 10), mais « elle demeure une femme vulnérable, introspective, peu sûre d’elle-même, irritable et solitaire » (page 226), flanquée d’un amant excentrique : l’écrivain Rafael Claramunt, débonnaire brigand devenu son pygmalion.

A travers la relation ambiguë qu’entretiennent ces deux individus, Véronique Ovaldé brosse, une fois de plus, un magnifique portrait de femme, longtemps bridée mais jamais brisée, une femme obstinée et fragile, éprise de liberté. Un roman plein de grâce.

16,00
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15 octobre 2013

Piège en eaux troubles

Trop d'incises, de digressions, de passages entre parenthèses ont fini par lasser la lectrice bienveillante que je suis. Impossible d'aller au delà de la page 52. Impossible de ressentir un quelconque intérêt pour ce Wax, personnage aux contours tellement flous qu'il n'a jamais acquis à mes yeux la moindre consistance. Le narrateur, engagé pour narrer les exploits du susdit, n'a manifestement pas eu grand chose à se mettre sous la plume. Et le lecteur reste lui aussi sur sa faim. Dommage.