EAN13
9782707190352
Éditeur
La Découverte
Date de publication
Collection
Cahiers libres
Langue
français
Fiches UNIMARC
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"Qu'on nous laisse combattre, et la guerre finira"

Avec les combattants du Kivu

La Découverte

Cahiers libres

Indisponible
Partie à la rencontre des combattants accusés de perpétuer le cycle des
violences, la journaliste Justine Brabant signe un récit exemplaire. (...) Le
Kivu – ou les Kivus, comme on désigne parfois cette vaste région pour prendre
en compte les deux provinces (Nord-Kivu et Sud-Kivu) qui bordent les rives du
lac éponyme – n'a pourtant rien d'une zone touristique, malgré sa beauté à
couper le souffle. Depuis près d'un quart de siècle, ce territoire grand comme
quatre fois la Belgique reste synonyme de guerres et de massacres, dont les
médias et les ONG se font l'écho alarmiste à intervalles très irréguliers.
(...) En réalité, pour comprendre ce qui s'est passé au Kivu, ce paradis
perdu, il faut remonter jusqu'au génocide qui s'est déroulé en 1994 de l'autre
côté du lac, dans le pays voisin, le Rwanda, théâtre cette année-là d'un
carnage orchestré au plus haut sommet de l'État. Alors que la communauté
internationale abandonne la minorité tutsie face à ses bourreaux, un mouvement
rebelle, le Front patriotique rwandais (FPR), également majoritairement tutsi,
réussit à mettre un terme aux massacres, dont les promoteurs franchissent
alors le lac pour s'installer au Kivu. Sans renoncer à reprendre les armes.
Résultat, deux ans plus tard, en 1996, le FPR installé au pouvoir traverse à
son tour la frontière pour écraser cette menace incessante. S'ensuivront des
années de conflits, deux " vraies " guerres meurtrières, et l'émergence
d'innombrables groupes armés, parrainés par les Rwandais ou hostiles à leur
présence. Face à ce long chaos meurtrier, on avancera des chiffres
impressionnants : plus de 7 millions de morts ! Puis ce sont les viols qui se
retrouveront sous les projecteurs : massifs, utilisés comme " armes de guerre
". La réalité est plus complexe, comme va vite le découvrir Justine Brabant.
Les chiffres des morts comme ceux des viols ont été souvent surestimés.
Parfois par simple erreur méthodologique, parfois volontairement, pour
encourager la manne humanitaire qui se déverse sur la région sans jamais rien
résoudre. Et pour cause. Car loin de minimiser les malheurs du Kivu, la
journaliste démontre comment les analyses simplistes et les alertes
spectaculaires conduisent à éviter de se confronter aux problèmes de fond, en
occultant les dysfonctionnements d'un pays dont les citoyens sont livrés à
eux-mêmes. Aujourd'hui, " la guerre est en fait devenue une multitude
d'accrochages en périphérie des îlots du pouvoir ", explique la jeune femme.
Une trentaine de groupes armés sont encore actifs : ils " disparaissent,
d'autres naissent, beaucoup se déchirent en sous-factions ". Certains
combattants ont pris les armes par vengeance, parce que leurs proches ont été
tués. D'autres espèrent monnayer un jour une place dans l'armée régulière,
nombreux sont ceux qui se sont enfoncés sur le chemin de la guerre, " pas à
pas ", presque sans s'en rendre compte. " Exercer la violence pour une grande
partie de la jeunesse du Kivu ne signifier pas combattre un pouvoir mais
tenter de s'y faire une meilleure place ", constate Justine Brabant à la fin
de son périple, qui s'apparente à une quête de vérité. Laquelle pourrait
revendiquer la célèbre phrase d'Albert Camus : " Mal nommer les choses, c'est
contribuer au malheur du monde. "
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