• Conseillé par
    12 février 2014

    Mots pour maux

    « Les mots qui vont surgir savent de nous ce que nous ignorons d’eux ».

    Cette citation de René Char résonne comme un mantra tout au long de la lecture du dernier roman de Chahdortt Djavann qui nous transporte de Téhéran à Paris en passant par Istanbul.
    Il y a ces mots longtemps refoulés que la narratrice déverse sans pudeur dans l’oreille de son psychanalyste parisien : sa naissance non désirée, la coupable indifférence de son père, son viol collectif par des agents de la morale islamique, ce sentiment d’illégitimité si solidement ancré en elle.

    Et ces mots criés, vociférés, jetés à tous les vents… en farsi, en turc et finalement en français. Ces mots qui disent la soif de liberté, le courage de relever tous les défis, l’appétit d’apprendre et de se reconstruire. « Fuir la réalité, inventer mille et une autres histoires pour ensevelir la mienne : l’imagination était mon salut, mon exutoire » (page 489). La France sera sa nouvelle page blanche et le français son refuge. « (…) Chaque mot que j’ai arraché au dictionnaire m’a arrachée à son tour aux blessures que j’avais vécues en persan. (…) J’aime cette langue comme on peut aimer quelqu’un… Elle est la plus belle rencontre de ma vie » (p. 198).
    "La dernière séance" est une ode vibrante à la langue française qui a libéré Donya/Chahdortt de son joug. « Un être humain libre ne peut exister dans cette langue. De même que tout esprit libre est mis à mort en Iran » (p. 190). Tel est le destin tragique qui attend cette héroïne moderne dont la pensée libre et mélancolique continuera cependant longtemps à hanter le lecteur.


  • Conseillé par
    19 septembre 2013

    Vivre libre

    Chahdortt Djavann sait de quoi elle parle. Cette Iranienne exilée en France garde en elle une rage, une révolte contre son pays qu’elle ne peut, pourtant, s’empêcher d’aimer.

    Son héroïne, Donya, fuit l’Iran du début des années 90, après un viol collectif et un pseudo mariage. Partir, oui, n’importe où, loin de cette mère glaciale, de ce père presque fou, de ce pays où les femmes n’ont que le droit de se taire. Révoltée, elle l’est depuis l’enfance, petite fille différente qui sait depuis toujours qu’elle n’a pas été désirée.

    Donya réussit à s’envoler pour Istanbul, une ville rêvée, orientale, tolérante où elle ne connaît personne. Mais la vie est ainsi faite qu’elle y trouve un appartement de rêve chez une logeuse généreuse, un job qu’elle aime, des amis. Donya est une force de la nature, capable de travailler jour et nuit pour son seul et unique but : émigrer ailleurs. Mais tous les trois mois, son visa expire. Elle doit alors passer la frontière, aller en Bulgarie où elle voyage dans des conditions pénibles et croit même mourir de froid. Jusqu’à ce qu’un jeune homme lui propose de le rejoindre en France.

    Parallèlement, Donya raconte ses visites chez son psychanalyste, des années plus tard, à Paris. Un psy qui paraît souvent plus préoccupé par ses propres problèmes que par les dires de cette belle Iranienne, quelquefois hystérique, souvent ironique. Une femme qui pense trop à la mort même si elle lutte contre ses pensées morbides. Qui ne veut plus entendre un mot sur l’Iran et sur ses parents, même si elle ne parle que d’eux.

    De ces pages nerveuses et passionnantes, le lecteur découvre plus que l’histoire d’un pays. C’est le récit d’un destin — tragique — de femme brisée mais déterminée, qui se battra jusqu’au bout pour vivre libre.

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