Des adhésifs dans le monde moderne

Marina Lewycka

Editions des Deux Terres

  • Conseillé par
    17 avril 2011

    Humour au rendez-vous

    “Peut-être que si l'on réussissait à améliorer la cohésion humaine, les autres détails - les lois, les frontières, la Constitution - se règleraient d'eux-mêmes. Il suffirait de trouver l'adhésif le mieux adapté aux supports. La clémence. le pardon. Si seulement ça existait en tube”

    Ce petit extrait reflète la réflexion qui flotte parmi les aventures ou mésaventures des protagonistes de ce roman parfois loufoque parfois grave.

    Le titre n’est à mon sens qu’un prétexte pour filer Ariane tout au long de ce roman. Georgie étant free lance pour une revue “Les Adhésifs”, la métaphore est toute trouvée pour tenter de recoller les morceaux de sa propre existence, autant que celle de son entourage et bien au-delà par la réflexion sur ce monde qui n’en finit pas de se désagréger.

    Un livre qui m’a scotchée, je dois bien l’avouer sans pour autant dire que ce fut un coup de coeur, mais j’ai passé un week-end à le lire au soleil, et ce fut un bon moment , agréable et détendu, de l’humour certes pas à pouffer de rire, mais le personnage de Naomi, m’a bien fait sourire, j’en garderai un bon souvenir. L’auteur a su me captiver, et me retenir dans son scénario fort bien mené, où elle a su susciter de l’intérêt en imbriquant des micros histoires. A l’image de la colle, une chimie qui au début n’était qu’un noyau isolé, plein de petits atomes sont venus se greffer au fil de l’histoire pour ne faire qu’un seul.

    L’auteure aborde des sujets de tout à chacun mais qui peuvent nous concerner de plein fouet, mais aussi des maux de notre société, comme le cas de cette vieille dame qui aurait pu se faire rouler dans la farine, enfermée et dépouillée par des charognards. Le sujet des ados a retenu mon attention, fragiles et souvent démunis, ils se réfugient dans une bulle ou dans une idéologie les menant parfois nulle part mais surtout à l’extrême d’un grand n’importe quoi. La peur des parents pour ses enfants, cruelle et tenace.

    Le couple qui se brise pour un porte brosse à dent, comment recoller les morceaux d’une histoire qui est arrivée à son terme ?

    Puis des sujets bien plus graves sont abordés, ceux des guerres sans fin entre Israël et la Palestine par exemple.

    Sous un air loufoque, l’auteure a su nous peindre un tableau de notre société avec ces cratères dégoulinant de monstruosités mais aussi ces petites rivières qui chantonnent l’humanité retrouvée : savoir écouter, regarder, et prendre le temps voire donner de son temps pour autrui sans rien attendre en retour juste soulager celui qui a besoin d’un appui.

    Une belle lecture qui m’a ravie dont j’ai apprécié le style qui m’a fait étrangement rappelé celui d’Anna Gavalda pour ce pouvoir de nous engloutir dans le scénario et dont on peine à quitter. Toutefois, j’ai trouvé la fin un peu “bâclée” tel un beau soufflet dont on a admiré son ascension magistrale, d’un coup, la fin retombe trop vite, comme si la précipitation d’en finir avec ce roman, l’auteure avait coupé court, et paf paf, je te fais rencontrer tous les personnages au supermarché du coin et hop en deux temps deux mouvements, tout est fini !

    Un début prometteur et promesses tenues mais une fin expédiée. Dommage !

    Mais n’oublions pas la présence tant aimée des chats ! Ah, tout un monde ! A vous de le découvrir…Ces petits félins, on ne s’en lasse pas.


  • Conseillé par
    4 avril 2011

    Le sparadrap du capitaine Haddock

    Le sparadrap du capitaine Haddock ou comment une fausse "bonne idée" peut lasser le lecteur...

    Marina Lewycka annonce la couleur dès le titre : Des adhésifs dans le monde moderne". Il s'agit du titre de la revue scientifique à laquelle l'héroïne collabore et des théories qu'elle développe sur ce qui peut lier les êtres, les rapprocher, osons le mot les COLLER ! Le procédé littéraire fait sourire au départ, la malheureuse journaliste dont le mari s'est carapaté pense beaucoup aux adhésifs et échafaude des plans soit pour recoller les morceaux avec son ex, soit pour le scotcher sur la lunette des toilettes à l'aide d'une glu extra-forte et ainsi l'humilier de la pire des manières... A la fin, cette histoire de colle devient comme le sparadrap du capitaine Haddock, un "truc" parasite dont il est impossible de se débarrasser.

    C'est un peu comme si j'écrivais "Des crêpes dans le monde moderne", je suis certaine de finir par vous gaver !

    Mis à part mon overdose de colle (au sens figuré, bien évidemment), j'ai lu avec plaisir ce gros pavé qui a néanmoins un deuxième inconvénient majeur. Georgie, notre spécialiste es adhésifs a la quarantaine et un ado de 16 ans. Le terrible effet miroir a encore frappé ! Je suggère un petit sigle discret sur les couvertures des livres (un pictogramme représentant une mère énervée et un ado avachi) qui me permettrait de passer au large. Avis aux éditeurs...

    Revenons à nos moutons ou plutôt à nos chats. Georgie habite depuis peu Londres et se retrouve bien seule après le départ de son mari et la mise en place de la garde alternée pour son ado, Ben. Elle fait la connaissance lors d'une promenade dans son quartier de Mrs Shapiro, une vieille dame qui farfouille dans les poubelles, habite une grande demeure délabrée qui l'abrite, elle et ses sept chats aussi mal embouchés les uns que les autres. En moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, notre quarantenaire doit prendre en charge la mamie, veiller à ce que des agents immobiliers peu scrupuleux ne vendent pas la maison et nourrir le horde sauvage de félins ! La pauvrette tient le coup grâce au soutien de quelques verres de Rioja et quelques séances torrides avec Mark Diabello, un conseiller immobilier chafouin mais imaginatif dans les jeux de l'amour... Le lecteur ne s'ennuie pas, surtout que Naomi Shapiro parle comme la grand-mère dans le film Rabbi Jacob : "Le manteau de fourire..."

    Peu à peu, Georgie découvre le passé de Naomi et j'ai trouvé la leçon d'histoire un peu appuyée. L'héroïne découvre avec effroi les origines du conflit israélo-palestinien. Elle a même les deux points de vue puisqu'elle recrute sans le savoir un artisan palestinien pour des travaux d'urgence dans la vieille maison et que survient l'héritier de Naomi, Israélien "bon teint". Les deux hommes ont perdu des personnes chères et ont des raisons de se haïr mais la testostérone aidant, ils parviennent à s'entendre autour d'un barbecue, activité masculine s'il en est.

    Je ne me suis pas ennuyée une seconde pendant ma lecture mais ce roman me semble moins abouti que les deux précédents de l'auteur. Il me semble fait de morceaux parfois disparates pas forcément très bien collés...

    PS : j'adore la couverture !


  • Conseillé par
    31 mars 2011

    Georgie Sinclair est légèrement désemparée quand elle aperçoit la vieille Mrs Naomi Shapiro, fouiller la benne à ordures dans laquelle elle a jeté toutes les affaires de son époux. Quelques jours plus tard, c'est dans la cohue des promotions de fin de journée d'un supermarché londonien que Mrs Shapiro s'impose dans le quotidien morne de Georgie. Quand la vieille dame entre à l'hôpital, Georgie se retrouve avec sept chats et une baraque croulante et malodorante sur les bras. À cela s'ajoutent une paire d'agents immobiliers aux méthodes plus que douteuses, des agents des affaires sociales à la probité incertaine et trois artisans palestiniens qui ne jurent que par le PVC.

    "Le durcissement de l'adhésif est le passage de l'état liquide à l'état solide. Quelquefois, la science du collage est d'une évidence accablante." (p. 278) Moins évident que sa quatrième ne le laisse supposer, ce roman n'est pas une simple farce sur les relations humaines. Les aléas sociaux font ici se rencontrer des êtres singuliers et a priori sans point commun. Comme dans beaucoup de romans, me direz-vous. Oui, mais si on y croise des pots de colle, des sangsues, des grappins et du velcro, on ne dit pas que tout ce petit monde vivra en bonne intelligence. "Peut-être que si l'on réussissait à améliorer la cohésion humaine, les autres détails - les lois, les frontières, la Constitution - se régleraient d'eux-mêmes. Il suffirait de trouver l'adhésif le mieux adapté aux supports. La clémence. Le pardon. Si seulement ça existait en tube." (p. 436) Seulement voilà, ça n'existe pas en tube et le mieux est encore de s'accrocher comme on peut les uns aux autres. Parce que vivre seul n'est pas possible. Affronter le temps, le Jugement dernier, les fissures dans le salon et les crottes de chat dans l'entrée, ça demande un peu d'aide. Et c'est avec brio que l'auteure balance de grands seaux d'humour décapant qui ne laissent aucune place aux sentiments sirupeux. Ici ne valent que les affections franches et nourries d'indépendance. Vivre à la colle, oui ! S'encroûter, non !

    Georgie, que chatouille le désir d'écrire mais qui ne produit que de minables bluettes aux asphyxiantes odeurs de rose, travaille pour la revue Adhésifs dans le monde moderne. On en douterait, mais la colle et ses déclinaisons ont leurs aficionados. Loin d'être un catalogue ou un précis de chimie, le roman souligne que la méphitique colle de poisson ou la super glu répondent à un même besoin : faites que ça tienne ! Pour se rassurer devant l'échec de la cohésion sociale, on peut toujours sourire devant un carreau qui tient sur le mur.

    L'arrière-plan historique évoque sans s'embourber les grèves de mineurs, les déportations nazies et le rêve sioniste. Le conflit israëlo-palestinien s'incarne dans quelques personnages, mais il ne s'agit pas de réécrire l'histoire, ni de croire béâtement aux lendemains qui chantent. Marina Lewyncka ne décrit que des destins particuliers et des aspirations minuscules. Pour commencer une chaîne, il ne faut que deux maillons et chacun est appelé à être polymère dans un monde en construction, à la condition expresse de ranger l'optimisme niais au placard.

    Ici, la famille éclatée voire atomisée et on se demande quel est le ciment qui en redressera les murs. L'époux et le père se dissimulent derrière des façades éclatantes mais branlantes. Les enfants, chacun à leur manière, sont des étoiles filantes que rien ne retient mais qui laissent des traînées persistantes. Les femmes, notamment Georgie en mère paumée et épouse larguée, sont impuissantes devant la ruine du foyer familial. Mais la conclusion est optimiste : plutôt que d'acheter du neuf, il vaut mieux réparer ce que l'on a déjà. Recoller les morceaux, comme on dit.

    Des adhésifs dans le monde moderne se lit avec fascination. Marina Lewyncka louvoie à merveille dans les eaux troubles du romantique et du bien pensant. Le roman emprunte à la comédie de moeurs, à la satire et au vaudeville. Sans être inutilement truculent, le langage est drôle et précis et c'est sans ambages qu'on appelle un chat... un chat !