Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

Tonton, la momie, et Seth et Ra

Flamant Noir

15,00
Conseillé par
22 février 2016

Lorsque je vous aurais signalé que ce roman est sous-titré Tonton, la momie, et Seth et Ra, outre le jeu de mots, vous comprendrez aisément qu'il sera question d'égyptologie. Akhänguetnö -pas facile à écrire, il faut se concentrer un peu- était un pharaon dont le sarcophage et les trésors qu'il contenait ont disparu sitôt sa découverte.

Tonton et sa bande sont de retour, chouette ! En fait oui et non, Flamant noir, l'excellente maison spécialisée dans le roman noir réédite les premiers tomes de la série et je ne les lis donc pas dans l'ordre d'écriture, mais peu importe, chacun peut se lire séparément. Akhänguetnö est estampillé numéro 3, mais j'ai déjà succombé à Le bazar et la nécessité et La bonne, la brute et la truande, tomes 4 et 5. Vivement que les deux premiers volumes soient disponibles, je piaffe d'impatience...

Bon revenons à nos égyptologues de circonstance, Tonton rameutant toute son équipe pour découvrir ce qui lui a été fauché, et sévir, car personne ne peut ni ne doit se permettre d'entrer chez lui, de perforer son parc et de repartir avec quelque chose lui appartenant même acquis de manière irrégulière. Si en plus, il s'avère que c'est un bien familial légué par papa, alors Tonton doit agir pour sauver l'honneur des Duçon (son nom de famille).

Après quelques ratés de lecture dont j'hésite encore à parler sur le blog, j'avais besoin de légèreté, une aventure totonesque était donc idéale. Une langue qui fait dans l'argot, le verlan, le parler des truands, les vrais, ceux qu'incarnaient Gabin, Ventura, Blier et toute la clique. Personnellement, à chaque fois que je lis un Tonton, j'ai en tête des scènes des Tontons flingueurs. Vous dire que c'est un bonheur à chaque page est un euphémisme. Entre Audiard, Lautner, San Antonio et Alexandre Astier dans Kaamelot, Samuel Sutra se réfère aussi à Alphonse Boudard qu'il me faut absolument lire, je sens mon inculture. Les dialogues sont irrésistibles de drôlerie ainsi que les personnages qui les mènent, disons qu'on comprend vite que Tonton est le cerveau -et aussi Mamour, l'aveugle affublé d'un teckel- et les autres les bras et les porte-flingues. Prenons Gérard, le second, le fossoyeur et ses tirades mémorables : "Tonton, sans charre, des macchabées, t'en as partout. Ton parc, c'est Pompéi ! T'as traversé une période de soldes où t'as liquidé à tour de bras. A tel point que les derniers, tellement qu'on manquait de place, j'ai dû les enterrer debout ! Les prochains, faudra d'ailleurs faire venir une benne de terre, histoire de bosser sur deux couches. Ou les pendre à tes saules." (p.19) Vous résistez à ce genre de phrases vous ? Moi, pas. Si en plus, l'intrigue est suffisamment tordue pour vous faire croire à tout moment qu'untel ou untel est coupable, et bien, le pari de l'auteur est très largement tenu : 100% des lecteurs sont ravis. Allez, une dernière tirade pour la route, celle d'Anatole, égyptologue, conservateur de musée qui vient d'expliquer à Tonton et sa bande qui était Akhänguetnö tout en s'abreuvant d'une prune flirtant avec le degré d'ébullition :

"La deuxième nouvelle, M'sieur Tonton, relève davantage d'un sentiment personnel, une sorte de mal-être, quelque chose d'intime. Vot'prune est en train de me dévaster les conduits et je crains l'incident. On s'oriente vers du grandiose. Si vous aviez moyen, dans la poignée de secondes qui viennent, de m'indiquer fissa les vatères, je sens venir un événement marquant, que mon falzard pourra dire "j'y étais !" (p.84)

Conseillé par
22 février 2016

Que voilà un roman sombre, dur, violent, noir et en même temps passionnant et avec quelques lueurs d'espoir. En Patagonie, la mère a hérité d'une estancia dans un milieu désertique, hostile. Elle rapporte peu, même pas de quoi payer les dettes accumulées du temps du père et du grand-père, alcooliques. C'est une femme forte, au caractère d'acier qui élève ses fils à la dure. Aucun ne se rebelle ni même ne moufte. Durs à la tâche, ne gagnant rien, pas un peso pour aller à la ville de San Léon boire une bière ou voir les filles. Ils grandissent ne semant pas le moindre amour entre eux et ne récoltant donc rien, d'autant plus que leurs cœurs sont aussi secs que leurs terrains. La haine, la jalousie, la domination et la soumission par la force et puis le travail, l'abrutissement au travail, et encore du travail, sept jours sur sept. Rafael et Steban sont ceux dont on pense qu'ils pourront s'en sortir, plus sensibles, plus rabroués, tabassé même pour le petit. On sent qu'il pourrait faire quelque chose, mais osera-t-il quitter cette terre et sa famille ?

"- Les gars disent que ton estancia, c'est l'enfer sur terre. Joaquin se tourne vers les troupeaux sans répondre, perplexe. L'enfer. Merde, d'où ça sort, ça, qu'ils connaîtraient la ferme et la mère, qu'ils parlent de chez lui comme d'un abîme - ou alors certains sont venus pour les saisons, il ne les remet pas, c'était il y a longtemps car la mère a décidé depuis des années que ses fils suffiraient à la peine, mais tout de même, il a bonne mémoire lui Joaquin, surtout les visages, est-ce qu'ils étaient là pour les tontes ? L'enfer." (p.104)

Roman à multiples voix, tous les garçons, tour à tour, puis la mère et quelques autres personnages en fonction de leur arrivée dans l'histoire, ce qui nous donne plusieurs points de vue pour un même événement, ou des explications lorsque la mère remonte dans le temps. Une histoire âpre, sèche, dure, pas dans les mots mais dans les faits décrits, les personnages. Un roman sous tension, ce n'est pas pour rien que Sandrine Collette est connue pour ses romans au suspense très soutenu -comme Six fourmis blanches. Les paysages sont à l'avenant, rudes, secs, on les imagine très bien similaires à la couverture du bouquin (très belle, gris métallique, brillante). Pas vraiment de temps mort dans ce livre même s'il n'y a pas beaucoup d'actions, le rythme de travail est élevé, mais répétitif, la vie à l'estancia est répétitive, les mêmes gestes quotidiennement, Sandrine Collette en profite pour nous faire entrer dans les têtes de ses personnages, dans leurs questionnements, leurs doutes, leurs peurs, leurs faiblesses. Un texte aux phrases parfois sèches, courtes et d'autres passages aux phrases plus longues, très ponctuées, ce qui donne des rythmes différents tant dans l'histoire que dans la lecture. Une belle surprise, je m'attendais à une écriture moins travaillée, plus taillée pour un polar dans lequel -parfois, mais heureusement pas toujours- les auteurs s'attachent plus à l'intrigue qu'au style.

Vraiment bien vu, ce roman entre le noir et le western, étouffant, suffocant, ne vous lâchera pas.

Conseillé par
22 février 2016

De l'érotisme -assez chaud quand même- à la mode viking, historique donc et, renseignements pris, bien documenté, enfin pour l'histoire, pour l'érotisme, je ne sais pas si l'auteur a puisé dans des manuels ou s'il a fait appel à ses pratiques ou souvenirs voire fantasmes... Avant tout donc, ce roman est historique et raconte les affrontements entre Saxons et Vikings dans le comté de York. Il faudra attendre l'arrivé de Guillaume le Conquérant en 1066 -950 ans cette année et toujours une petite rancœur des Anglais à notre endroit- puis cinq années de guerres terribles pour pacifier la région.

Et puis, ce roman est aussi un roman érotique, très chaud donc, avec pas mal de scènes torrides notamment dans sa première partie intitulée Nora. La seconde partie, Denisc, en contient aussi notamment sur la fin, mais son début est basé sur les affrontements entre Saxons revanchards et Vikings sûrs de leur puissance. Car ils sont beaux, ils sont forts ces Vikings, et c'est ce qui fait craquer Nora, la jeune fille qui se révèlera être une assoiffée de sexe, une nymphomane dirait-on maintenant. C'est le sexe qui lui permettra de parvenir à ses fins ; elle et Halfdan, "ils étaient fous, tous les deux, fous de sexe et c'était bien le sexe qui les menait, qui les dirigeait dans leur folie." (p.191)

Carl Royer fait preuve d'une belle plume -qu'il ne se met pas là où vous pouvez penser, même si cela pourrait être dans l'une des scènes du roman- qui permet de suivre cette histoire très agréablement. Bon, parfois, les scènes de sexe sont un peu rapprochées, un peu violentes, et longues, c'est qu'ils ont la forme les Vikings -et des formes manifestement, puisque non pas équipés d'un simple pénis mais de mandrins épais. Nora n'étant pas en reste puisqu'elle même très en formes appétissantes ainsi qu'Odval la femme d'Halfdan.

En résumé, plutôt pas mal ce roman qui permet de se remettre en tête l'histoire des Vikings de manière décalée et qui va me permettre d'attirer un bon nombre de visiteurs tant j'ai écrit le mot sexe dans ma recension.

Claverie, Stéphanie

La Différence

17,00
Conseillé par
22 février 2016

Un joli roman dans la veine de La tête en friche de Marie-Sabine Roger mais qui va aborder d'autres thèmes, comme la solitude, l'autonomie et la sexualité des handicapés. A petites touches. Stéphanie Claverie n'est pas dans la démonstration ou l'argumentation pour/contre. Elle raconte la vie de ses personnages, leurs envies, leurs désirs, tant les handicapés que les autres. René, le père de Sébastien n'est pas qu'un second rôle, il est là présent, peut-être trop aux yeux du travailleur social qui s'occupe de Sébastien. D'où la demande de son autonomie, René vieillissant, il faut commencer à chercher des solutions.

Court livre au ton optimiste, comme Sébastien, mais pas naïf. Sébastien sait s'attirer autant les faveurs des gens qui prennent du temps pour le connaître que les peurs de ceux et celles qui ne s'arrêtent qu'à son handicap. Partout où il passe, dès lors qu'on prend du temps et qu'on ne le juge pas ni ne le regarde avec pitié ou condescendance, il distille un optimisme convaincant et communicatif. Bon, il peut être parfois envahissant, déstabilisant voire gênant, mais jamais méchant ou violent.

Écriture fluide, directe, tout en douceur, Stéphanie Claverie dresse le portrait de son héros pas comme les autres. Beaucoup de tendresse, de bienveillance et un regard qui ne juge pas. Il m'arrive de rencontrer des gens plus ou moins avec la même différence que Sébastien, au magasin du CAT par exemple (spécialisé en horticulture et jardinage), et c'est toujours avec un grand sourire que nous sommes accueillis. Le moins que l'on puisse faire c'est d'arriver avec un sourire au moins aussi grand. Tellement simple à faire et ça ne coûte rien.

A deux reprises dans l'ouvrage, Antoine de Saint-Exupéry est cité pour la même phrase (dans le texte et dans les remerciements) qui s'applique évidemment parfaitement ici, mais qui peut être largement diffusée et utilisée, tellement elle devrait être au cœur de nos actes et pensées de tous les jours : "Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m'enrichis." A méditer, à diffuser largement.

21,00
Conseillé par
22 février 2016

Dès les premières pages, voire dès la couverture, on est frappé par les couleurs dont use Alexandre Clérisse. Vives, criardes parfois, peu courantes dans les bandes dessinées, elles collent à l'époque décrite, la fin des années 60. Même les paysages parfois subissent cet afflux de couleurs, collines roses ou rouges, champs violets... et tout cela donne une BD totalement atypique et formidable visuellement. Ajoutons à cela des cases de différentes tailles, formes, voire pas de cases, justes des dessins qui se suivent et vous comprendrez mon enthousiasme pour cet ouvrage franchement réjouissant.

Le scénario, maintenant : entre roman initiatique et roman d'espionnage disais-je au début de ma recension, c'est tout à fait cela, et les deux s’entremêlent, se joignent, s'imbriquent pour nous surprendre ou nous faire plaisir. Pari réussi. Construite en deux parties (la seconde expliquant les manques de la première), cette BD est une vraie découverte pour moi et un pur bonheur. Surpris, je l'ai été, tant mieux j'adore ça.

Pas long mon article, pas besoin, jetez-vous sur cette BD.