Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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3 mai 2017

Pas de temps mort dans ce polar. il commence vite et tient le rythme jusqu'au bout voire même s'emballe encore sur la fin. On suit d'abord Reda et Ludo, puis Reda seul qui tente de faire la lumière sur la disparition de son ami mais aussi Johana qui veut comprendre ce qui se passe. Tout tourne autour de la finance, du terrorisme, et malgré cela, les explications et la vulgarisation fonctionnent à merveille. Jamais le lecteur n'est perdu et au contraire, comprend mieux certains rouages des grandes banques et la surveillance des transactions financières et des réseaux terroristes qui cherchent à se financer en montant des opérations boursières.

C'est drôlement bien fait. Phrases courtes, vocabulaire courant, explications simples et claires. Je me suis évidemment plus attaché aux personnages principaux, Reda et Johana mais aussi Alasdair McLeod ex-légionnaire devenu banquier, les autres les politiques naviguent dans des sphères assez éloignées de nos préoccupations, même s'il faut bien le dire, les décisions doivent se prendre rapidement et auront des conséquences à court terme pour nous communs des mortels. Franchement, je n'aimerais pas être à leur place et je me demande même pourquoi il y a tant de candidats pour des postes à emmerdes, à moins qu'il y ait des gros sous à se faire facilement, il faudra demander à certain(e)s prétendant(e)s à l'élection suprême en France, s'ils veulent bien répondre aux convocations....

Enfin bref, pour revenir au roman de Pierre Pouchairet, quelques touches plus légères voire humoristiques permettent un peu de répit avant de repartir de plus belle. Je ne vais pas m'étendre plus je voudrais que chaque lecteur ait les mêmes surprises agréables que moi. Contentez-vous -c'est un conseil pas un ordre !- de mon article et de la quatrième de couverture, Jigal n'est jamais très disert dessus, ce qui préserve le suspense. Diablement efficace, instructif et bourré de personnages bien campés, ce polar est un modèle de genre qui colle à l'actualité.

NB : Pierre Pouchairet a de plus l'honnêteté de préciser en couverture que l'idée originale est d'un autre : L. Gordon avec qui il a collaboré. Excellent travail et excellent polar.

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3 mai 2017

J'ai découvert Gilles Paris, comme beaucoup, avec l'excellent Autobiographie d'une courgette, qui a donné naissance au désormais fameux film multi-récompensé Ma vie de Courgette. J'ai continué à le lire et sur son titre L'été des lucioles ai émis des réserves parce que je trouvais que, au début du livre au moins, le romancier se répétait. Et puis arrive Le vertige des falaises. Un peu anxieux à l'idée de retomber dans une histoire certes jolie, mais un peu "déjà-lue", j'ouvre ce roman, et là, dès les premiers mots, je sais que ça va coller : "Papa est mort. Je devrais avoir du chagrin, je n'en ai aucun. J'irais bien jouer avec Jane, mais la main baguée de grand-mère Olivia m'emprisonne. Le vent, lui, me décoiffe, et des mèches rousses me rendent aussi aveugles que Jane." (p.9) J'adore cette écriture, phrases courtes qui vont à l'essentiel, qui s'enchaînent rapidement, ne laissant au lecteur que peu de temps pour souffler entre elles. Heureusement, Gilles Paris a choisi d'écrire en très courts chapitres, de deux à trois pages. En fait, ce sont les journaux de Marnie et Olivia qui se croisent, se répondent parfois. Puis ceux d'autres personnages : Géraud le médecin de l'Île, Agatha la fleuriste, Vincy un garçon de l'Île, fils du pharmacien, et quelques autres plus brièvement.

Tout à fait le genre de livres dont on n'a pas envie de sortir, dont on ne peut pas passer un mot, au risque de rater une information importante, ou tout simplement parce qu'on en n'a pas envie, tant l'écriture est plaisante. J'avoue avoir freiné un peu ma lecture sur la fin, pour profiter des derniers instants, des dernières révélations, encore un peu, pour rester un peu plus longtemps sur l'Île. Cette Île qui est un véritable personnage, d'ailleurs elle est toujours écrite avec une majuscule -ainsi que le Continent, son opposé nettement moins présent. Le ciel est toujours bas, souvent gris, la nature est belle mais un peu austère. Gilles Paris installe un climat tendu, sombre qui, par son décor m'a fait penser à L'étourdissement de Joël Egloff et par ses personnages et l'ambiance générale à Hitchcock ou Agatha Christie entre autres.

Les personnages sont très travaillés, la forme du journal permet d'aller au plus profond de leurs sentiments, de leurs émotions. Ils se révèlent petit à petit, sans filtre et l'alternance des points de vue permet de les connaître de l'intérieur mais aussi de l'extérieur. Les de Mortemer semblent forts aux yeux des îliens, ils le sont sans doute beaucoup moins lorsqu'ils s'expriment et lorsque ceux qui les côtoient parlent d'eux. Le style résolument rapide et direct permet d'entrer rapidement dans l'intimité de chacun d'eux, de comprendre ce qui les a amenés à Glass et ce qui les y retient. J'aimerais en dire beaucoup plus sur ce roman, mais je ne veux rien dévoiler, ce serait tellement dommage de gâcher tous les rebondissements, la tension présente du début à la fin.

J'aimerais également dire tous mes remerciements à Gilles Paris qui, une fois sorti de sa zone de confort -ses très beaux romans positifs écrits du point de vue de l'enfant- sort là un véritable roman noir, sombre et dur, pas si loin de ses thèmes de prédilection, mais vu par un autre petit bout de la lorgnette, un véritable coup de cœur pour moi. Il pourra décontenancer les fidèles de l'auteur, auxquels je conseille très fortement la lecture qui devrait les scotcher tout autant que moi.

La Différence

16,00
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3 mai 2017

Premier roman d'un jeune auteur très prometteur tant il y a en son sein de belles choses. Tout d'abord, j'ai pu être dérouté par le lieu choisi et le quasi huis-clos. Puis, très vite les images abondent et les portraits des protagonistes me ravissent : "La grosse bouchère, son mari le petit boucher apeuré, le fils débile et déjà obèse, incarnation trinitaire de tout ce que l'étal propose, de la farce de porc au cou maigre et déplumé des poulets, le saignant et le blême dans une orgie de rouges assassins sur fond de carrelage de morgue." (p.33)

Julien Syrac use d'une belle langue, à la fois riche et argotique, délicate et grossière. Il mélange les genres, ne s'arrête pas à un style qu'il aurait cherché et trouvé et qu'il utiliserait jusqu'au bout. Le risque, c'est que son roman puisse paraître partir dans tous les sens, ce qui peut se vérifier dans ses envolées, ses digressions sur le véganisme, la peinture, les livres, les vendeurs et les travailleurs de la Halle qui gagnent chichement leur vie et travaillent durs, les profiteurs comme Patrick M, le patron de Julien qui travaille peu et gagne beaucoup, les amours de telle libraire ou telle cuisinière, ... C'est dans ces moments-là que parfois, je trouve qu'il pousse un peu le bouchon. Oui, mais, aussitôt après, il revient dans la Halle et on y retourne avec bonheur. Cette quasi unicité de lieu m'a beaucoup plu. Elle permet la rencontre de gens qui ne feraient que se croiser autrement, qui n'ont rien en commun sauf la Halle. Et dès que le romancier se penche sur ses personnages, ils deviennent plus denses, plus complexes qu'il n'y paraît, il les dessine au-delà des apparences : untel est plus cultivé qu'il ne veut le laisser croire, l'autre est vraiment tel qu'on le pressent, un beauf dans toute sa splendeur, unetelle a vécu des drames assez terribles, ... Fouad est un peintre raté, un galeriste qui ne vend pas mais il a cette très jolie réflexion : "Fouad dit avoir enfin compris que le plus grand de tous les arts, ce n'est ni la littérature, ni la peinture, ni la photographie, ni la musique, mais le silence. La plénitude du silence. Le foisonnement du silence. L'éternité du silence. La sidérante beauté du silence. Le silence est le plus grand chef-d’œuvre auquel un homme puisse aspirer." (p.123)

Le risque dont je parlais plus haut est largement compensé par le vrai plaisir de lire un roman original et dans le fond et dans la forme. C'est une fable très contemporaine sur la condition humaine, délicatement et violemment écrite. Le fait de changer de style d'écriture perturbe le lecteur que je suis, me met en intranquillité ne sachant ce que je vais découvrir en tournant la page : des phrases nominales courtes ? De grandes envolées lyriques ? Une description plus classique ? Quel plus grand plaisir de lecture que celui de ne pas savoir ce que l'on va trouver en tournant la page ?

Très belle découverte que ce premier roman, La différence est un éditeur que j'aime beaucoup exigeant et de qualité. A noter que Julien Syrac a traduit -pour les éditions Actes sud- Le silence même n'est plus à toi d'Asli Erdogan récemment emprisonnée par le pouvoir turc.

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3 mai 2017

L'Asiathèque est, comme son nom l'indique, un éditeur spécialisé dans les ouvrages d'apprentissages des langues d'Asie. Mais la maison publie également des romans et des nouvelles d'auteurs locaux et des petits textes d'auteurs français connaisseurs des pays d'Asie dans la jolie collection Liminaires. Ce fut le cas avec le très beau Halabeoji, de Martine Prost ; c'est de nouveau réussi avec Lettres d'Ogura. Cette fois-ci, le Japon. Mais pas celui qu'on nous montre partout, ultra-connecté, moderne, à la pointe du progrès. Hubert Delahaye s'intéresse à un petit village et plus particulièrement à une vieille dame qui y habite. Comme chez nous, ce village éloigné est déserté par les jeunes, des maisons sont abandonnées et ne restent quasiment plus que des vieux voire des très vieux qui s'aident, se parlent.

Le texte est beau, lent, très lent, contemplatif, décrivant admirablement la nature, la faune et la flore. Il colle parfaitement au rythme de vie du village. Dès le début je suis sorti des mes lectures habituelles et me suis retrouvé plongé dans un monde qui n'a pas mes codes. C'est troublant parce le texte n'est pas écrit par un Japonais et que pourtant tout pourrait le faire croire. Cent-vingt pages de zen, de calme, de beauté, de fréquentation de cette vieille dame charmante qui ne se plaint pas. Cent-vingt pages positives teintées d'un léger humour qui font sortir du quotidien.

Belle collection à la couverture et la mise en pages soignées qui a les bonnes idées d'abord d'insérer dans le texte français des mots écrits en japonais, non pas que je les comprenne, mais ça permet d'entrer encore plus dans le monde décrit par Hubert Delahaye et ensuite de n'être pas chère. Si vous ne connaissez pas encore L'Asiathèque -ce n'est pas bien parce que j'en ai parlé, toujours conquis (Le phare, Histoire de dame Pak, L'art de la controverse, Halabeoji, Le magicien sur la passerelle)-, passez le cap, regardez attentivement le catalogue et n'hésitez pas à en parler à votre libraire préféré(e). Je me permets ce conseil, car j'ai toujours eu un peu de mal avec la littérature asiatique -et particulièrement la japonaise- et grâce à L'Asiathèque entre autres -mais aussi Intervalles-, j'apprends à la connaître et à l'apprécier.

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3 mai 2017

J'ai lu deux romans de Janis Otsiemi, l'écrivain de polars gabonnais : La bouche qui mange ne parle pas et Les voleurs de sexe. Tous les deux très bons, dépaysants et noirs, très noirs. C'est sans doute parce que j'ai cet excellent souvenir de ces deux lectures que ma déception est assez forte. Le moins que je puisse dire, c'est que Janis Otsiemi ne s'est pas foulé. Il se répète beaucoup, tant dans la description de son intrigue que Jean-Marc explique de nombreuses fois aux divers intervenants que dans ses déambulations nocturnes dans les restaurants et cafés de Libreville. Le roman n'est pas désagréable, certes non, mais il manque de tonus, de liant. Il n'est pas passionnant et même la langue de l'auteur parfois si fleurie est nettement plus morne, comme s'il avait voulu, en passant chez un plus grand éditeur se faire plus consensuel et plaire au plus grand nombre. L'intrigue n'est pas particulièrement fine et surprenante non plus. Décevant, parce que le Janis Otsiemi que j'aime, c'est celui qui ose dire tout ce que ne va pas dans son pays, pas quelques lignes égarées dans son roman, mais plutôt un contexte fort présent -là, la corruption est oubliée et les relations troubles entre politiques et malfrats évoquées certes, mais assez tardivement et brièvement. Décevant aussi parce que je ne retrouve pas son verbe haut et coloré, ses personnages forts en gueule au langage imagé, argotique.

Voilà, c'est dit, je suis désolé de dire des trucs pas sympas sur le livre d'un romancier que j'aime bien, mais j'espère que le prochain saura me plaire davantage. Néanmoins, je répète que ce polar est tout à fait fréquentable, il remplit très bien son rôle de divertissement, je le trouve juste un peu inodore, fade...