• Conseillé par (Libraire)
    16 avril 2021

    Inspiré des carnets de bord du commodore Anson et de son second. Un roman graphique étonnant qui nous plonge dans les incertitudes, la rudesse et la puissance de la navigation.
    - Richard -


  • Conseillé par (Libraire)
    3 mars 2021

    L'aventure c'est l'aventure

    Quatre ans, c’est le délai de réalisation de cette BD monumentale. Quatre ans c’est la durée de l’histoire racontée tout au long des 272 pages comme si les auteurs, déjà remarqués par le magnifique « Martha Jane Cannary » avaient voulu coller leurs basques, jour par jour au périple de leur héros, le Commodore Anson. Nous sommes en 1740, alors que les puissances du monde sont en guerre, le Commodore se voit confier une escadre de huit navires et de deux mille hommes par le roi d’Angleterre George II. Sa mission est multiple: harceler, capturer, piller, occuper, rançonner du Cap Horn en passant par le Cap de Bonne Espérance, avec une attention particulière pour les côtes d’Amérique du Sud, où l’Espagne et Pizzaro occupent déjà une place de choix. Son navire s’appelle le Centurion, ses hommes, Saunders, Eliot, Brett mais aussi le lieutenant Philip Saumarez qui tint un journal de bord quotidien retrouvé en 1970 et le jeune Richard Walter auteur du Tour du Monde paru en 1748 qui connut un succès littéraire énorme.

    C’est qu’elle provoqua l’imagination cette expédition hors normes qui s’acheva dans les rues de Londres où furent acclamés les 188 marins rescapés. Trois siècles plus tard, elle nous subjugue toujours et la réussite des auteurs est de ne pas limiter cette histoire à de simples faits d’armes mais aussi d’en raconter la dimension humaine. Bien entendu tous les ingrédients du genre sont présents et racontés avec une précision documentaire indéniable: poursuites sous le vent, abordages, pillages, sont peints avec réalisme et l’on sent le souffle des boulets déchirer les haubans ou percer les toiles des voiles. Comme des caméras placées à la surface de l’eau, l‘écume de la mer laisse percer la silhouette de magnifiques navires dont on comprend au fil des pages le fonctionnement et la beauté. Il y’a du « Master and Commander » dans la BD. Comme dans le film de Peter Weir, le Commodore Anson, que l’on peut imaginer sous les traits de Russel Crowe, n’est pas qu’un simple exécutant aux ordres du Roi. Au fil des pages, des incidents, des accidents, se dessine le portrait d’un homme militaire, certes, mais empreint d’un humanisme réel, soucieux de la hiérarchie mais aussi des conditions de vie de ses marins.

    Elles sont terribles ces conditions, pour des hommes parfois enrôlés de force, parfois inaptes à la navigation avant même d’embarquer sur les quais de Portsmouth. On descend dans les cales où l’on meurt de blessures, de mitrailles et surtout de scorbut, cette maladie due aux carences en vitamine, qui ne provoqua aucune enquête sanitaire pour le futur, au retour de survivants. Aux dessins contemporains, qui peuvent troubler certains lecteurs habitués à la ligne claire, s’ajoutent dans des pages magnifiques, des reproductions détaillées et retravaillées de cartes anciennes de l’ouvrage paru en 1748 de Richard Walter. On se croirait ainsi dans un cours de géographie, de botanique, de naturalisme de l’époque.

    La fin de l’album nous révèle que cette expédition, glorieuse, encensée, fut aussi vite oubliée que vécue, absorbée par d’autres conflits. Il fallut à Anson quatre ans pour réaliser ce tour du Monde. Yannick Bestaven vient de clôturer le sien en 80 jours, 3 heures et 44 minutes, mais le navigateur rochelais n’eut pas à attaquer des navires anglais, à dresser le dessin de rivages encore peu connus, à piller la douane de Payta ou à chercher à se ravitailler à Macao en terre de Chine. Heureusement pour lui. Malheureusement pour le Commodore et ses hommes.

    Eric